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Rapport du mois de juillet 2017

La justice pénale internationale au Burundi, le seul espoir pour les victimes de la répression sanglante du Gouvernement du Burundi.



1.     Introduction


L’intention de briguer un troisième mandat présidentiel au Burundi s’est manifestée depuis la deuxième moitié du deuxième mandat de Pierre NKURUNZIZA. En effet, en octobre 2013, le gouvernement dirigé par Pierre NKURUNZIZA dont le deuxième mandat constitutionnel allait se terminer le 26 août 2015, a initié un projet de révision de la constitution[1] ; un projet qui a suscité une vive protestation des acteurs nationaux notamment la société civile[2], les confessions religieuses, les partis de l’opposition et le service national de renseignement.

L’organisation d’une séance d’audition des différents acteurs par le Parlement burundais en dates des 19 et 20 décembre 2013 n’a pas fléchi la volonté de Pierre NKURUNZIZA et de son parti, le Conseil National pour la Défense de la Démocratie-La Force de Défense de la Démocratie (CNDD-FDD) de vouloir changer la constitution pour en retirer sa substance vitale, surtout en ce qui concerne la limitation des mandats. Il a fallu que le vote organisé en date du 21 mars 2014 échoue à réunir le quorum requis[3] pour changer la Constitution pour que cette dernière soit sauvée. La mobilisation citoyenne dans le cadre du mouvement halte au troisième mandat, la défection des grandes figures du parti présidentiel ainsi que la condamnation de plus en plus grandissante par la communauté internationale ont fortement irrité les dirigeants du pays et ceux du CNDD-FDD au point qu’ils ont développé un mécanisme de répression à l’encontre des opposants, de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme pour pouvoir s’éterniser au pouvoir sans que personne n’ose donner un avis contraire. 

 Dans ce rapport, nous allons montrer l’importance de faire le recours à la Cour pénale internationale, la seule juridiction pouvant poursuivre les responsables des crimes les plus graves commis par les autorités burundaises ou les autres personnes sous leur commandement.

Nous allons en premier lieu montrer l’intention qui a caractérisé   le Président NKURUNZIZA d’assassiner ou de faire disparaitre toute personne qui a manifesté contre la violation de la constitution et de l’Accord d’Arusha. L’exécution de ces crimes s’est concrétisée via les membres de la police nationale, de l’armée, du service national de renseignement et de la milice IMBONERAKURE et cela en toute impunité du moment que le système judiciaire est manipulé et est incapable de poursuivre les responsables des crimes graves commandités par le parti CNDD-FDD. 

2.     Des discours de la haine tenus par les hauts responsables du CNDD-FDD avant et pendant les manifestations d’avril-juin 2015.


 En date du 17 janvier 2015, le premier vice-président du CNDD-FDD, Mr Victor Burikukiye présidait une délégation qui s’était rendue à Muyinga et prononça un discours codé[4] qui en référait aux « nostalgiques du pouvoir ». Le message passé était libéré en Kirundi en ces termes « Icomubuza (Pierre NKURUNZIZA) ni nkumwe yaca yica Rwagasore akamwicira n’uruvyaro…ntaho yoba ataniye n’umwe yica uwuhejeje kwitorerwa n’abanyagihugu muri 93 (Ndadaye),  … Ni umwungu wa rwa…..(le public en chœur)….. RUYUZI. Abitwaza amasezerano y’i Arusha, nimugende musome ayo masezerano hama mwerekane ingingo zibimubuza. Aho ndongeye kubivuga ni umwungu wa rwa…. Ruyuzi … », ce qui se traduit comme suit : (Ceux qui veulent empêcher NKURUNZIZA à se faire élire ressemblent à la personne qui a assassiné le Héros de l’Indépendance le Prince Louis Rwagasore ainsi que sa progéniture…. Elle ne diffère en rien avec celui qui a assassiné l’élu du peuple en 1993 (Ndadaye), c’est du tel père tel fils, ce sont les nostalgiques, les fils du bourreau… Ceux qui se cachent derrière Arusha, je leur lance ce défi, allez le lire et montre-moi la disposition qui le lui empêche. Je le répète, ce sont les nostalgiques, les fils des bourreaux). Deux semaines plus tard, à l’occasion de la célébration de la fête de l’unité nationale édition 2015 (le 5 février 2015), Pierre NKURUNZIZA déclara clairement que les organisations de la société civile burundaise étaient devenues trop gênantes et arrogantes car formées d’une seule ethnie [5] (qu’il n’a pas nommée mais il voulait insinuer les Tutsi) et bénéficiant des fonds des occidentaux qui veulent recoloniser le pays. Une semaine plus tard, soit en date du 12 février 2015, un document contenant des enseignements diffusés par le président du parti CNDD-FDD en province de Bubanza[6], en même temps député, l’Honorable Juvénal Havyarimana, était découvert, lequel indexait les organisations de la société civile et les médias indépendants comme étant les ennemis du parti et de la nation, qu’il fallait combattre farouchement. Ledit document mettait sur la sellette notamment les radios Isanganiro, Bonesha, Télévision Renaissance et RPA. Ce document appelait à la conscience collective des militants du parti auxquels il rappelait de la façon dont la lutte du CNDD-FDD était rude et qu’en vertu du contexte prévalant, il s’annonçait difficile de chercher refuge vers d’autres pays voisins outre la Kanyaru (Rwanda), la Rusizi (RDC) et la MALAGARAZI (Tanzanie). Le représentant du CNDD-FDD en province de Bubanza écrivait « Ibuka abawe baguhoneyeko n’ivyawe vyagushiriyeko woye kwumviriza no kwifadikanya n’ababiguteye …. Kuntwaro ya Uporona higa aba hutu bake bitewe n’amacakubiri y’amoko. Vyaranashitse aho batandukanya abahutu n’abatutsi  mugushira urudome « U » imbere y’izinary’umuhutu na « I » imbere y’izina ry’umututsi. Umuhutu yaramuka aciye mu rusenga agatora ikibazo ca Leta agatabwa mu mashuri y’imyuga nahonyene mu bisata vy’ukwubaka canke kubaza kugira ngo ntazoshikire Kaminuza…. [Souviens-toi de tous ceux que tu as perdus, toutes tes propriétés perdues et cesse d’écouter ou de pactiser avec les auteurs de tes malheurs…Sous le régime du parti Uprona, rares étaient les Hutus qui faisaient des études à cause de la discrimination sur base ethnique. Il est arrivé que les élèves fussent distingués par la lettre « U » posée devant les noms des Hutu et la lettre « I » posée devant les Tutsis. Le Hutu qui passait par les mailles du filet était affecté dans la section menuiserie ou maçonnerie de l’école technique et ce pour l’empêcher de franchir l’université…]

 Lorsque les manifestations pacifiques contre le troisième mandat de Pierre NKURUNZIZA ont commencé le 26 avril 2015, les pouvoirs publics, le gouvernement ainsi que le CNDDFDD ont vite qualifié les manifestations pacifiques d’insurrection[7], assimilant ainsi les manifestants aux insurgés et justifiant et incitant les corps de sécurité à une répression à la hauteur de l’ « insurrection ».

 Dans la déclaration du 28 mai 2015[8], le CNDD justifiait et incitait davantage à la répression contre les manifestants « On observe ces derniers jours des gens qui font des manifestations qui se sont transformées en mouvement insurrectionnel suivi des tueries sans nom comme brûler vif des gens, les fusiller, …. » Dès le début des manifestations pacifiques, l’usage délibéré du qualificatif « insurrection » conduisait, dans l’esprit des unités de police, à se sentir moralement justifiées et politiquement motivées à combattre les insurgés, qui « ont choisi de porter des armes contre les institutions établies ». Les déclarations faites par plusieurs hauts responsables du pays n’ont cessé de coller l’étiquette ethnique aux manifestations qui étaient notamment présentées comme organisées et soutenues par les seuls habitants des quartiers dominés par les Tutsis. Il a fallu que les leaders des partis d’opposition comme Agathon Rwasa, Léonce Ngendakumana et Jean Minani se lèvent pour dénoncer cette manipulation et spéculations ethnicités.

Le venin haineux n’a pas épargné les différentes organisations de défense des droits humains, en tête desquelles, l’Office du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. En effet, après la visite du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Zeid Rad Hussein en date du 12 au 15 avril 2015, au cours de laquelle il a exprimé sa profonde préoccupation face aux actions des IMBONERAKURE que son office a depuis lors qualifié de milice, il est vite rentré dans le collimateur du CNDD-FDD, lequel sortit un communiqué daté du 18 juin 2015 où il est vivement reproché d’avoir insulté les IMBONERAKURE en les qualifiant de milice « …. les accusations délibérées de Zeid Ra’ad Al Hussein et ses acolytes contre les jeunes IMBONERAKURE rentrent dans un vaste complot qui, d’emblée apparait comme une rumeur alors qu’il se fonde sur une stratégie de diabolisation globalisée et globalisante d’une partie de la population dans un dessein macabre. …. . Autre fait bizarre est non moins important est que Monsieur Zeid Ra’ad Al Hussein est venu mener des concertations clandestines avec certains membres de l’opposition y compris les soi-disantes associations des défenseurs des droits de l’homme qui lui ont fourni des rapports fallacieux. Au lieu de prouver son sens d’impartialité et son expertise par des enquêtes approfondies à la taille de la problématique, cet officiel onusien a fait siens ces rapports susmentionnés, entachant ainsi sa propre réputation et celle de l’Organisation qui l’a mandaté ».

En analysant même ces propos des officiels burundais membres du CNDD-FDD, on trouve qu’ils étaient déplacés, moins courtois et porteurs de germes de haine anti- défenseurs des droits de l’Homme.

3.     Des conseils prodigués au président NKURUNZIZA mais demeurés lettre morte.


Des voix se sont levées de l’intérieur du pays (message des Généraux ex-FDD, des membres du Conseil des sages du CNDD-FDD, des membres du CNDD-FDD à travers une pétition, des Evêques catholiques, des Pasteurs des Eglises protestantes, des Sheikh musulmans, de la société civile et des partis politiques de l’opposition) que de l’extérieur du Burundi pour  dire au président NKURUNZIZA que sa candidature au troisième mandat présidentiel est contre la Constitution et contre l’Accord d’Arusha, et qu’elle n’apporte aucune valeur ajoutée à la gouvernance politique du pays. Les mêmes voix lui ont fait remarquer, qu’au contraire, il résultera de sa candidature au troisième mandat présidentiel une évolution des tensions politiques vers une véritable crise socio-politique, avec toutes les conséquences qu’il est appelé à assumer. Cela se remarque surtout dans une longue lettre que son ancien Deuxième vice-président Gervais RUFYIKIRI lui a adressé avant son annonce officielle de s’allier aux frondeurs. Dans cette lettre, Monsieur RUFYIKIRI a mis l’accent particulier sur l’interprétation faite des spécialistes du droit constitutionnel comme le Professeur Filip Reyntjens (Scenarios for Burundi, Analysis & Policy Brief n° 11, Université d’Anvers en Belgique, April 2015) et par des experts juristes de la Communauté Est-Africaine (Meeting of the Attorneys General/Ministers of justice and Constitutional affairs, Report of the meeting, Arusha, Tanzania, 15th May 2015), qui montraient qu’il n’y a pas de doute que la Constitution burundaise à elle seule s’auto-suffit pour limiter le nombre de mandats présidentiels à deux seulement. L’Accord d’Arusha en apporte une clarification supplémentaire.

4.     Les conseils reçus de l’intérieur du pays


A.1. La position de l’Eglise catholique


Au Burundi, l'Eglise catholique, considérée comme la première force morale du pays, était sollicitée depuis plusieurs mois pour qu'elle prenne position sur la question d’un troisième mandat du président Pierre NKURUNZIZA. Jusqu'ici, plusieurs prélats s'étaient prononcés à titre personnel, mais pour la première fois et après plusieurs mois de débats au sein de la conférence des évêques, l'Eglise a tranché en exprimant son « non » face à l’entreprise dangereuse de Pierre NKURUNZIZA de passer outre la Constitution de la République du Burundi.

 Monseigneur Evariste Ngoyagoye, archevêque de Bujumbura et vice-président de la Conférence des évêques catholiques a utilisé ces mots pour passer le message : « Un des principes importants que nous avons convenus entre nous les Burundais, sans aucune ambiguïté, c'est que toute personne élue pour diriger le Burundi ne peut aller au-delà de deux mandats de cinq ans chacun. »

Face à cette position de l’Eglise catholique, le Gouvernement de Bujumbura s’est empressé à distraire la population en arguant que la déclaration des évêques était comme une opinion individuelle des évêques puisque les fidèles n’étaient pas consultés.

En effet, le conseiller du président NKURUNZIZA a dit même saluer la déclaration des évêques qui, pour lui, ne s'opposait en rien à un troisième mandat pour le président Pierre NKURUNZIZA. Cette déclaration du Conseiller faisait suite au fait que le nom de NKURUNZIZA n’était pas évoqué par la position de la Conférence des évêques. Ce comportement de Willy Nyamitwe, Conseiller de NKURUNZIZA ne peut étonner ceux qui le connaissent déjà car il est habitué à manipuler et même dénaturer les informations aux fins de diversion.

Pourtant, dans cette déclaration, les évêques affirment que « la parole - claire et sans équivoque - que les Burundais se sont donnés et qu'ils se sont engagés à respecter est que celui qui est élu comme président ne peut pas dépasser deux mandats de cinq ans, chacun. »

Pour le conseiller du président NKURUNZIZA, ce qu'il faut comprendre c'est que la Constitution parle de deux mandats, certes, mais au suffrage universel direct. Or, le chef de l'Etat burundais a été élu en 2005 au suffrage universel indirect et en 2010 au suffrage direct comme l’avait voulu le constituant originaire.

Et pour lever l’équivoque, l’Eglise catholique s’est retirée du processus électoral de 2015 car elle n’était pas disposée à accompagner un processus biaisé le CNDD-FDD allait régner en maître après que leurs membres aient versé beaucoup de sangs de Burundais innocents.

"Après avoir considéré la manière dont ces élections sont organisées et leur évolution actuelle (…), nous, évêques de l’Église catholique, avons estimé qu’il convenait que les prêtres démissionnent et cèdent leur place à ceux qui peuvent continuer le travail au sein des commissions électorales où le clergé occupe des fonctions importantes", a déclaré le 28 mai 2015 Mgr Gervais Banshimiyubusa, alors Président de la Conférence des Evêques du Burundi sur la radio catholique Radio Maria.

A.2. Les conseils reçus de son parti CNDD-FDD lui-même


Au sein du parti CNDD-FDD, certains membres ont donné des conseils au président NKURUNZIZA de ne pas violer la constitution et l’accord d’Arusha aux risques de créer un chaos sous plusieurs points de vue à l’échelle nationale.

En réponse à ces conseils, il s’est spontanément créé une fronde au sein de cette formation politique et les frondeurs recevaient   toutes sortes de menaces. Ils étaient accusés de déstabiliser le pays. Comme tous les hauts cadres issus du parti CNDD-FDD, la plupart bénéficiaient d’une garde de sécurité à domicile. Le lendemain, ces policiers ont été rappelés par leur hiérarchie, sans aucune explication. Le pouvoir a exclu 10 frondeurs considérés comme les leaders de ce mouvement en vue de tenter d’arrêter l’hémorragie. En moins de 24 heures, les signataires de la pétition qui demandait au président Pierre NKURUNZIZA de ne pas se représenter à la présidentielle de juin 2017, sont passés de 18 à 73 mais d’autres signatures étaient vite collectées à travers tout le pays.

A.3 La position de la société civile indépendante


Le 25 avril 2015, le président sortant du Burundi est désigné candidat du CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie), son parti politique, à la prochaine présidentielle, à l’issue d’un congrès tenu à Bujumbura.

Le 26 avril 2015, à l’appel de l’opposition et de la société civile, des milliers de burundais se déversent dans la rue de la capitale Bujumbura : c’est le début des manifestations de protestation contre cette candidature jugée inacceptable. Le pouvoir burundais envoie les éléments de la police pour contenir les manifestants. Face à une population déterminée à envahir le centre-ville de la capitale, la police se sentant débordée fait usage de la force et beaucoup de dégâts humains ont été commis par la police.

Le 28 avril, troisième jour des manifestations contre la candidature du chef de l’Etat à la présidentielle du 26 juin 2015, la police a tiré à balles réelles sur les manifestants faisant trois morts, rapportait la Radio France Internationale (Rfi). Mais, NkuruNziza fait savoir qu’il ne renoncera pas à briguer un troisième mandat. Son entourage persiste et signe : « On ne recule pas, ça c’est hors de question », déclare à l’AFP Willy Nyamitwe, son porte-parole et conseiller en communication, qui qualifie les manifestants « des gens qui ne veulent tout simplement pas aller aux élections parce qu’ils ont peur des élections ». Il poursuit que : « Le parti au pouvoir, dans un processus démocratique, avait le droit de présenter son candidat à la présidentielle de 2015 comme tous les autres partis. Nous devons aller aux élections. C’est le peuple qui doit trancher. »

Le même mardi 28 avril, Pierre-Claver Mbonimpa est libéré. Il explique à France 24 que : « Pour que ce mouvement arrête, il faut que le président se prononce et qu’il abandonne le troisième mandat », tout en précisant avec insistance que la population est « déterminée » à empêcher Nkuruziza de se représenter à la prochaine élection présidentielle. Entre-temps, un autre mandat d’arrêt est émis contre Vital Nshimirimana, principal organisateur au sein de la société civile de la campagne anti-troisième mandat, désormais dans la clandestinité mais qui, dans un entretien téléphonique à l’AFP, promet de continuer à mobiliser contre cette violation des textes fondamentaux du pays.

Le bras de fer s’enracine entre les deux camps – Signe que la situation ne semble pas près de se débloquer.  Les manifestations continuent et la police est toujours aussi présente pour anéantir le mouvement, mais sans succès. Chaque jour qui passe, les manifestations pacifiques rencontrent une répression violente par la police. L’armée présente dans les rues de la capitale affiche la neutralité jusque-là. Par moment, elle s’interpose entre les manifestants et la police, pour empêcher les heurts.

Cette position de l’armée n’enchante pas du tout la police qui veut en découdre avec les manifestants souvent très agressés et déterminés. Il s’ensuit des tensions entre les éléments de ces deux corps de défense et de la sécurité burundaise a entraîné la mort d’un militaire par un tir d’un policier le mercredi 20 mai.



5.     Les conseils provenant de l’extérieur du pays


Face à cette volonté de Pierre NKURUNZIZA de briguer un troisième mandat en violation de la constitution et de l’accord d’Arusha, la communauté internationale a accentué la pression.

Le Pays-Bas et la Belgique ont suspendu leur financement du processus électoral au Burundi. Les Etats-Unis d’Amérique eux ont réitéré leur désir de voir NKURUNZIZA retirer sa candidature. L’Union européenne pour sa part, a suspendu sa mission d’observation électorale au Burundi.

Quand bien-même, l’Union africaine est restée comme dans ses habitudes, et la Communauté des Etats de l’Afrique de l’est qui s’est une fois de plus réunie à Addis-Abeba sur le cas du Burundi, le dimanche 31 mai, n’a fait aucune mention sur la candidature de NKURUNZIZA, si ce n’est que demander le report des élections législatives prévues pour le 05 juin. L’ONU, elle, poursuivit les tractations pour reprendre le dialogue entre les protagonistes dans cette crise, afin de parvenir à une solution apaisée.

L’Organisation de la francophonie et la Communauté économiques des Etats de l’Afrique centrale ont envoyé leurs représentants pour discuter avec toutes les parties de la nécessité de dialoguer pour arriver aux élections paisibles et démocratiques]

6.     Les crimes graves commis pendant et après les manifestations


La crise politique et des droits humains qu’a traversés le Burundi en 2015 s’est approfondie en 2016 et 2017.  Les forces gouvernementales s’en sont prises aux opposants présumés avec une brutalité accrue. Les forces de sécurité et les services de renseignement – souvent en collaboration avec des membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, la milice IMBONERAKURE — se sont rendus coupables de nombreux meurtres, disparitions, enlèvements, actes de torture, viols et arrestations arbitraires.

Des milliers de cadavres, dont certains mutilés, ont été découverts dans tout le pays.

En décembre 2015, lors de l’attaque la plus meurtrière commise depuis le début de la crise, des policiers et des militaires ont tué par balle un nombre important d’habitants de la capitale, Bujumbura surtout les habitants des quartiers taxés de contestataires de Musaga, Nyakabiga, Ngagara, Cibitoke et MUTAKURA suite à des attentats contre quatre installations militaires, attribués à l’opposition.

Après cette attaque, la répression s’est répandue dans les différentes provinces du pays surtout dans les communes de Mukike, Mugamba et Matana où la jeunesse et les démobilisés ex-FAB étaient les plus visés.

Après plusieurs mois de bruit de grenades et de fusils, avec les cris de la communauté tant nationale qu’internationale, le gouvernement du Burundi a changé de stratégies et a instauré un calme précaire

La répression est devenue moins ouverte, plus secrète, plus difficile à repérer, mais elle est plus systématique et en augmentation. Les mécanismes de reddition des comptes sont excessivement faibles et l’impunité est endémique, ce qui a permis aux cycles de violence de se perpétuer sans relâche.

Les victimes sont dans des situations si compliquées du moment que les organisations défenseuses des droits de l’homme à savoir :   le FORSC (Forum pour le renforcement de la société civile), le FOCODE (Forum pour la conscience et le développement), l’APRODH (Association burundaise pour la protection des droits humains et des personnes détenues), l’ACAT (Actions  des  chrétiens  pour l’abolition de la torture) et le RCP (Réseau des citoyens probes) et la Ligue Iteka ont été radiées.

La mesure de radiation de ces organisations a été prise le 19 octobre 2016 par le ministre de l’Intérieur. Le motif : « … les associations susvisées se sont écartées de leurs objectifs consignés dans leurs statuts et s’activent plutôt à ternir l’image du pays et à semer la haine et la division au sein de la population burundaise », avance l’ordonnance ministérielle. Cependant, la Ligue ITEKA sera radiée plus tard au début de l’an 2017.

Le 24 octobre d’autres associations à savoir : COSOME ( Coalition de la société civile pour le monitoring électoral), CB-CPI (Coalition burundaise pour la Cour pénale internationale), UBJ( Union burundaise des journalistes), Ligue burundaise des droits de l’homme « Iteka » et SOS torture Burundi sont toutes suspendues, accusées par le même ministère de « mener des activités qui ne sont pas en conformité avec leurs objectifs consignés dans leurs statuts mais qui sont plutôt de nature à perturber l’ordre et la sûreté de l’État ».

Le système judiciaire est manipulé par le parti au pouvoir et les agents du renseignement, et les procédures judiciaires sont régulièrement bafouées. Le procureur général a mis en place plusieurs commissions d’enquête sur des allégations de graves violations des droits humains. Leurs rapports étaient biaisés et erronés, disculpant en grande partie les forces de sécurité et ne permettent pas de traduire en justice les responsables.

Suite à cette incapacité de l’appareil judiciaire Burundais de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves commis, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a décidé, le 30 septembre 2016, de créer une commission d'enquête sur les violations des droits humains perpétrées au Burundi depuis avril 2015, qui permettrait d'identifier les auteurs présumés et recommanderait des mesures pour garantir qu'ils soient tenus de rendre des comptes.

Pour tenter d’échapper à cette enquête, le 18 octobre 2016, le président Pierre NKURUNZIZA a signé une loi demandant le retrait du Burundi de la CPI. Le gouvernement burundais a affirmé que la cour est un instrument des pays puissants utilisé pour punir les dirigeants qui ne se soumettent pas à l'Occident.

Il est important de noter qu’en vertu du Statut de Rome de la CPI, le retrait n’entre en vigueur qu’un an après que l'État l’ait formellement annoncé au secrétaire général de l'ONU. En avril 2016, la Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a ouvert un examen préliminaire sur de possibles crimes contre l'humanité commis au Burundi depuis avril 2015.



7.     Conclusion


De ce qui précède, il s’ensuit que les crimes commis contre la population burundaise par diverses personnalités au pouvoir ont été prémédités, planifiés et mis en exécution par des moyens de l’Etat et par conséquent irrésistibles. Ce rapport pointe du doigt en effet comment ceux qui ont soutenu le troisième mandat de NKURUNZIZA s’étaient préparés à opérer une répression injustifiée et disproportionnée contre tous ceux qui oseraient s’y opposer.

La Coalition Burundaise pour la cour pénale internationale (CB-CPI) recommande la CPI en tant que juridiction de dernier recours aux milliers de victimes burundaises d’ouvrir une enquête le plus promptement possible afin de rendre responsables les auteurs des différents crimes graves commis contre des populations civiles.

La Coalition s’engage à œuvrer aux côtés d’autres acteurs nationaux et internationaux pour appuyer la CPI chaque fois qu’un tel apport sera nécessaire.



[1]  Dans sa justification, le gouvernement arguait que c’est dans le strict respect des clauses de la feuille de route pour les élections de 2015, laquelle prévoyait que les propositions de révision de la constitution et d’amendement du code électoral devaient intervenir au plus tard le 31 décembre 2013
[2] En date4 novembre 2013, les organisations de la société civile ont lancé la Campagne « Ne touchez pas au consensus d’Arusha », composée de 519 organisations
[3] Voir Burundi : le projet de révision de la Constitution retoqué au Parlement, http://www.rfi.fr/afrique/20140321-burundi-le-projet-revi
[4] Ce discours sera relayé et largement commenté en vue de compléments par la Radio Rema FM dans l’émission akabirya.
[5] Le discours du 5 Février du Président étonne les activistes de la société civile, http://www.bonesha.bi/Le-discours-du-5-Fevrier-du.html
[6] Bubanza : Urwandikorwa CNDD FDD rutavugaimigambi y’abanyagihugu, http://www.igihe.bi/bubabanza-urwandiko-rw-umugambwe.html
[7] Une commission de quatre magistrats à savoir Adolphe Manirakiza, Hyacinthe Niyonzima, Richard Ndayisaba et Thomas Ntukamazina a été mise en place le 29 avril 2015 par le Procureur Général de la République, Valentin Bagorikunda avec pour mission d’enquêter sur le mouvement insurrectionnel déclenché le 26 avril 2015
[8] Voir Communiqué N° 019/2015 du Parti CNDD-FDD du 28 mai 2015,http://cnddfdd.org/2015/05/28/communique-n-0192015-du-parti-cndd-fdd-du-28-mai-2015/  

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